Statuti di a Cunfraterna Santa Croce di u Pianu d’Ampugnani - 1714. |
Disciplinati di a Santa Croce
La trace la plus ancienne de la confrérie à u Pianu remonte à 1714, date à laquelle sont rédigés les vingt-six règles et chapitres des Statuts de la Confrérie de la Sainte-Croix, par Bernardo Agostini, prêtre de la paroisse d’u Silvarecciu.
On sait par ailleurs que la confrérie voisine d’u Silvarecciu, attestée depuis 1646, rédige ses statuts, en tout point identiques à ceux-là, avant 1671, date à laquelle ils sont agréés par le curé de la paroisse. La confrérie d’u Pianu n’étant pas mentionnée en 1646 par Mgr. Marliani, il semble que son existence soit donc plus récente et que les statuts silvareccinchi aient été utilisés et recopiés tels quels lors de son édification.
Toujours est-il que tout comme sa voisine, la confrérie d’u Pianu porte le titre des Disciplinati di Santa Croce, révélant ainsi son origine pénitente et flagellante, très répandue en Corse autant qu’en Italie centrale et septentrionale tout au long de ces siècles.
Nel Nome della S(anti)S(si)ma Trinità, Padre, e Figliuolo e Spirito Santo, incomincia la Regola e Capitoli della Confraternità delli disciplinati di S(ant)a Croce del Piano d'Ampug(na)ni.
Condition nécessaire à sa légitimité et à son existence d’un point de vue juridique, toute confrérie doit être érigée canoniquement, c’est-à-dire sous l’autorité ecclésiastique, en la personne de l’Evêque. Ainsi ces statuts furent officiellement reconnus et approuvés le 19 août 1671 par l’Evêque auxiliaire de Nebbiu Mgr Nicolao Gaetano Aprosio, en visite à a Porta d’Ampugnani et délégué par l’Evêque de Mariana et Accia.
Da u Pianu à a Casalta
Il est important de noter que jusqu’à l’aube du 18ème siècle et sans doute ecnore au-delà, les communautés, au sens religieux du terme, d’u Pianu et d’a Casalta n’en formaient qu’une.
En 1646, l'Evêque Mgr. Marliani nous présente le territoire de Cappella comme ayant deux composantes, soient u Silvarecciu d’une part et Santa Maria (ou Pieve d’Ampugnani) d’autre part, cette dernière, qualifiée de parocchiale a due ville, regroupant les deux communautés d’u Pianu et a Casalta. Les deux populations continuent à recevoir les principaux sacrements dans l’antique église piévane ayant conservé ses fonts baptismaux, comme en témoignent les registres de baptêmes, mariages et défunts de Santa Maria Natività, communs aux deux communautés (Casalta et Piano, ou Casalta, Piano et Capellini) jusqu’à 1771 environ.
L’oratoire d’a Nunziata, en accueillant le Saint-Sacrement, devient paroisse à part entière, relayée par l’oratoire San Roccu à raison d'un tiers pour deux-tiers, une messe dominicale sur trois étant célébrée à San Roccu, les deux autres à a Nunziata. Plus d’un siècle plus tard (1786), on retrouve encore pour San Roccu ce titre de vici parocchiale di Santa Maria.
Cette ancienne unicité des deux communautés nous paraît justifier le fait que nous n’ayons trouvé aucune trace lointaine d’une confrérie à a Casalta, pourtant attestée en 1884 par la visite de l’Evêque auxiliaire Mgr. De Peretti, puis tout au long du 20ème siècle. Sans doute la confrérie constituée à u Pianu au 16ème ou 17ème siècle trouva ses membres au sein du secteur de Santa Maria, couvrant donc les deux ville d’u Pianu et a Casalta. Un article rédigé en 1731 à la suite des statuts officiels de 1714 semble confirmer cette hypothèse :
A’ 23 marzo 1731
(…) Nell’istesso giorno si fa pure il presente capitolo che tutti li fratelli si della Casalta come del Piano debano dire il Matuttino della Settimana Santa insieme a vicenda si alla Casalta come al Piano e mancando paghino soldi dieci (…) e cosi sia.
Gio Brando Guidoni.
Ainsi la confrérie, dont le prieur appartient d’ailleurs à une famille casaltaise, est-elle bien constituée de confrères originaires d’u Pianu aussi bien que d’a Casalta. Mais l’article dit également qu’il devient difficile de faire respecter l’usage des cérémonies observées en commun (en l’occurence l’Office des Matines de la Semaine Sainte) et que des sanctions s’imposent en ce sens !
On peut penser que la confrérie d’a Casalta put naître d’une scission au sein de la confrérie d’u Pianu, lorsque plus tard s’affirmèrent nettement les deux communautés l’une par rapport à l’autre. Mais à quelle époque exactement ? Les sources ne donnent pas de réponse claire, voire, brouillent légèrement les pistes ...
En effet, l’inventaire de Santa Maria Pievania di Ampugnani réalisé par Anton de Casalta vice-piévan d’a Casalta et u Pianu en 1780, soit 66 ans seulement après la date d’approbation des statuts de la confrérie d’u Pianu, fait état d’une confrérie à a Casalta, sans en mentionner aucune à u Pianu.
En effet, l’inventaire de Santa Maria Pievania di Ampugnani réalisé par Anton de Casalta vice-piévan d’a Casalta et u Pianu en 1780, soit 66 ans seulement après la date d’approbation des statuts de la confrérie d’u Pianu, fait état d’une confrérie à a Casalta, sans en mentionner aucune à u Pianu.
Mieux, le vice-piévan mentionne parmi les personnages qui l’ont assisté en cette tâche un certain Giabicorso Torre Pr(ocurat)ore (1), e sindico (2) del SS.mo Sagramento di detta Chiesa della SS.ma Annunciata della Casalta, ainsi qu’un Matteo Santi Pr(ocurat)ore (1), e sindico (2) del S(antissi).mo Sagramento di detta Chiesa di S(ant).o Rocco. Puis il indique que l’église a Nunziata di a Casalta est dotée d’une chapelle latérale, cappella dedicata alla nostra S(igno).ra del Rosario dove vi è eretta la Compagnia del Rosario.
Tout cela donne donc pour u Pianu et a Casalta en 1780 une photographie sensiblement analogue à la celle de 1646 pour u Silvarecciu, avec une confrérie de la Sainte-Croix dotée en général de sa propre casazza, une compagnie du Saint-Sacrement et une autre du Rosaire, ces deux dernières ayant la charge dévotionnelle et administrative d’une chapelle latérale au sein de l’église paroissiale. Mais on sait que ce schéma est celui de la plupart des paroisses au lendemain du concile de Trente.
San Roccu è a Nunziata, casazze
Les confréries possédaient souvent leur propre oratoire ou casazza
San Roccu à u Pianu |
Contrairement à u Silvarecciu, on ne trouve trace à u Pianu de casazza dans les écrits, sur le terrain ou dans les mémoires. Mais il paraît pratiquement certain que c’est la chapelle San Roccu qui assura dès le début cette fonction, en même temps qu’elle fut érigée au rang de vice-paroisse, comme en témoignent plusieurs articles enrichissant les statuts initiaux de 1714, ainsi que certaines pages du livre de compte rédigées à partir de 1786.
A’ 30 9bre 1719.
Nella chiesa di S(ant)o Rocco del Piano s’è aggiunto con il consenso di tutta la compagnia che (…)
A’ 23 marzo 1731.
Nella chiesa di S(an)to Rocco con consenso di tutta la compag(ni)a si fà questo capitolo che (…)
Mille e sette cento ottanta sei li tre settembre nella Piazza di San Rocco del Piano vici parocchiale di Santa Maria Pievania di Ampognani (…)
A Nunziata à a Casalta |
(…) nella qual Chiesa vi ufficiano i Confratelli della Confraternità per mancanza di Casazza, e da dove partono tutte le processioni, che s’indicheranno a suo luogo.
In Corsica francese
Comme pour sa voisine d’u Silvarecciu, on sait peu de choses des tribulations vécues par la confrérie d’u Pianu lors des grands bouleversements parcourant la France de la fin du 18ème jusqu’au 20ème siècle. L’interdiction des confréries de pénitents de 1792 fut-elle effective dans cette partie de la Corse ? Quels effets eut dans nos villages le Concordat de 1802 ? Puis l’épiscopat de Mgr Casanelli d’Istria entre 1833 et 1869, évêque qui favorisa la réactivation des confréries sous le vocable de la Sainte-Croix ou celui de dévotions nouvelles ?
Mgr de Peretti en visite pastorale à u Pianu en 1844 indique qu’au dire du curé, la fabrique et la confrérie sont légalement constituées et l’aident à faire le bien dans la paroisse qui lui est confiée. Par contre à a Casalta, toujours au dire du curé, il y a désordre dans la fabrique comme dans la confrérie.
La consultation du livre de la confrérie d’u Pianu (Libro della Confraternità del Piano) qui consigne sans discontinuité de 1786 à 1925 l’état des comptes laissés chaque année par le prieur sortant au nouveau prieur nous donne aussi quelques indications.
De 1786 à 1886 on parle de Confraternita del Piano puis de Confraternita della parocchia di Piano, sans que l’on puisse en apprendre davantage sur son titre. Mais en 1888 et 1889, la confrérie porte le titre de Confraternita di San Rocco. Puis en 1892, en même temps que l’on passe de l’italien au français pour rédiger le livre, elle porte désormais le titre de confrérie de Saint-Georges. Il semble donc qu’elle n’eut aucune réelle interruption d’activité, mais changea de titre au cours des siècles, troquant les traces de ses origines pénitentes contre un vocable en rapport direct avec les dévotions paroissiales, signe sans doute d’un encadrement plus strict de la part du clergé, typique de la période contemporaine.
Crucifissu di prucessiò. |
La confrérie mène toutes les processions ayant lieu dans la paroisse :
En tête marche un confrère muni d’un bâton doré, puis viennent les enfants et les femmes avec des croix et des bannières, le reste des confrères avec des crucifix et différents étendards, et enfin le curé qui ferme la marche.
Bien sûr, le point d’orgue de l’activité cultuelle prise en charge par la confrérie demeure la Semaine Sainte, avec notamment les processions du Jeudi Saint et Vendredi Saint, véritables conservatoires, encore aujourd’hui, des anciennes pratiques liturgiques locales.
On sait également le fonctionnement de ses cotisations internes ainsi que la prise en charge des décès d’un confrère :
Il y a dans la paroisse une confrérie laïque qui exige de ses membres le versement d’une taxe annuelle de un franc. Elle se compose actuellement de vingt-cinq confrères. Ella a donc un revenu annuel de vingt-cinq francs.
Aux obsèques de chaque confrère, la confrérie supporte les frais d’inhumation jusqu’à concurrence de vingt francs. Elle donne sept francs de cire, sept francs pour la bière et six francs au curé pour l’honoraire de la messe, ce qui fait en tout vingt francs.
Elle ne paie aucun casuel (3) à la fabrique (4) ou à l’église en dehors de la cire des enterrements que le curé et la fabrique partagent par moitié, sans aucune participation de la confrérie.
L’activité de la confrérie, en tant que structure dotée d’une comptabilité et de dirigeants renouvelés chaque année semble s’achever en 1925, si l’on en croit le livre des comptes renseigné jusqu’à cette date. Ceci est confirmé par l’enquête de l’Evêque d’Aiacciu Mgr Rodié, diligentée entre 1928 et 1937, qui ne fait aucunement état d’une confrérie à u Pianu. Il évoque par contre à a Casalta la confrérie où 14 membres vont aux processions.
Mais sans doute comme ailleurs, les derniers confrères continuèrent à participer au culte, traditionnellement habillés de l’aube blanche, u camisgiu, et animant de leurs chants les cérémonies, jusqu’à ce que l’âge ou la santé ne le leur permettent plus ...
Mais sans doute comme ailleurs, les derniers confrères continuèrent à participer au culte, traditionnellement habillés de l’aube blanche, u camisgiu, et animant de leurs chants les cérémonies, jusqu’à ce que l’âge ou la santé ne le leur permettent plus ...
La confrérie d’a Casalta |
Omu si ramenta
Comme c’est le cas pour les autres villages, il reste bien peu d’objets de culte qui puissent témoigner de l’existence des confréries. Les vestiges d’un temps pourtant pas si lointain ont été balayés à tel point qu’on puisse même douter que tout ce pan de notre histoire ait pu exister véritablement ...
Seuls les plus anciens se souviennent encore des processions parcourant le village d’u Pianu, pour San Ghjiseppu, Santa Lucia ou San Roccu, de la procession allant du village jusqu’à San Ghjorghju, et des derniers personnages et chantres de la confrérie : Dumenicone Domestici, Arrigone Massei, Antone Orsatelli …
Seuls les plus anciens se souviennent encore des processions parcourant le village d’u Pianu, pour San Ghjiseppu, Santa Lucia ou San Roccu, de la procession allant du village jusqu’à San Ghjorghju, et des derniers personnages et chantres de la confrérie : Dumenicone Domestici, Arrigone Massei, Antone Orsatelli …
À a Casalta, on revoit M. Chiappini, prieur de la confrérie, sonner en tenue sur les marches de l’église le rassemblement des confrères en temps de Pâques à l’aide de la crécelle, puis faire l’appel sur une tablette en bois à trous munie d’une liste et de petits bouts de bois.
(1) Au sein de l’Eglise catholique, le procuratore est le représentant de la congrégation ou société religieuse à laquelle il appartient auprès du Saint Siège.
(2) Au sens médiéval, le sindico désigne un fonctionnaire dont la fonction est d’administrer sa communauté et de la représenter lorsqu’il s’agit d’en défendre les intérêts.
(3) Le casuel est le revenu aléatoire, par opposition au revenu régulier, pouvant être perçu pour l’exercice de certains ministères (baptêmes, bénédictions, funérailles, mariages).
(4) Le conseil de Fabrique était une institution qui avait pour fonction de gérer les biens matériels de la paroisse. Son organe exécutif était le bureau des « marguilliers », composé du curé, membre de droit et trois conseillers élus pour trois ans, les « fabriciens », qui se répartissaient les tâches de président, de secrétaire et de trésorier. Pendant la Révolution, les conseils de Fabrique furent dépossédés de leurs actifs déclarés propriété nationale, puis rétablis et réorganisés pendant le Concordat, puis définitivement supprimés par la Loi de séparation de 1905, et remplacés par des associations cultuelles.
Bibliographie :
- Relazione della prima visita pastorale di Monsignor Marliani. BSSHNC – 1890.
- Regola e Capitoli della confraternità degli disciplinati di S. Croce del Piano d'Ampugnani - 1714.
- Regola e Capitoli della confraternità degli disciplinati di S. Croce del Piano d'Ampugnani - 1714.
- Inventario S.a Maria Pievania di Ampugnani - 1780.
- I Disciplinati: una lunga storia di impegno religioso, artistico, sociale Carlo fornari - Storiadelmondo n. 45, 26 febbraio 2007.
- Paroisses, confréries et dévotions de Corse à l'épreuve de la Révolution française. Abbé F.J. Casta - Provence Historique No 156, 1989.
- Sainte Marie de Bastia, la cathédrale à travers les siècles. Charles Bartoli - Ed. Scola Corsa - 1989.
- Libro della Confraternità del Piano - 1786-1925.
- Inventaire et Coutumier de la paroisse de Piano - 1905 - Archives Diocèse Ajaccio.
- Visite pastorale Doyennés de Porta et San Nicolao par l'évêque auxiliaire Mgr de Peretti - 1884.
- Enquête sur les pratiques religieuses - Mgr Rodié - 1928-1937.
- Sainte Marie de Bastia, la cathédrale à travers les siècles. Charles Bartoli - Ed. Scola Corsa - 1989.
- Libro della Confraternità del Piano - 1786-1925.
- Inventaire et Coutumier de la paroisse de Piano - 1905 - Archives Diocèse Ajaccio.
- Visite pastorale Doyennés de Porta et San Nicolao par l'évêque auxiliaire Mgr de Peretti - 1884.
- Enquête sur les pratiques religieuses - Mgr Rodié - 1928-1937.
- Dizionario Treccani online.
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