10 avril 2015

Santa Maria Natività, pievanìa d’Ampugnani

Nant’à un pughjale à mez’à l’alive stà Santa Maria, antica pieve.

Da tantu ch’ella hà cuttighjatu omi è donne di sti rughjoni, ne testimunieghjanu e tombe, poste quì è culà in giru à ella, è po l’arche, scavate in senu à ella.

Oghje sola sola in un tempiu di natura, cosa aspetterà ? Altri tempi qual’hè chì sà, chì l’omi turneranu, colmi di fede, à rende li a so antica gloria.




La piévanie d’ Ampugnani est située sur le territoire d’ a Casalta, sur une colline plantée d’oliviers à environ 600m au sud de l’actuel village qui la domine, et d’où l’on peut apercevoir son clocher émergeant de la végétation. 

Sa construction daterait du 12ème siècle ap. J.C., et son architecture est caractéristique de l’art roman pisan, à l
image des autres piévanies de Corse. Elle est composée d’une nef unique de 19m de long par 10m de large, régulièrement orientée d’ouest en est, et terminée par une abside unique en cul de four surmontée d’une croix romane ajourée. Adossé au mur latéral-sud s’élève un clocher-arcade dont l’ouverture recevait les cloches.

S. Maria est relativement vaste. Elle se distingue par la largeur inusitée de la nef, qui constitue une rareté. 


Tempi di rimanighjate

Schéma de la piévanie
À l’intérieur, d’importants remaniements semblent avoir eu lieu au cours du Moyen-Age, notamment le creusement de deux grandes fosses communes (arche) puis la construction d’une nouvelle façade percée d’une porte, afin de raccourcir le sanctuaire de moitié (sans doute était-il déjà en mauvais état), qui ne laissent plus aucune chance de retrouver les dispositions liturgiques anciennes, notamment la traditionnelle piscine baptismale. Des voûtains à quatre colonnes avaient été érigés de part et d’autre du maître-autel afin d’abriter deux autels latéraux dont il ne reste que les fondations. 

De même le petit clocher qui s’appuie sur le mur latéral-sud serait plus récent, comme l’indique la taille moins soignée de la pierre. 

Nous savons par une dalle de marbre conservée dans l’église paroissiale a Nunziata et datée de 1660 (confirmée par Mgr de la Foata) que Mgr Fabrizio Giustiniani évêque de Mariana et Accia fit faire des travaux dans la piévanie, et il est probable qu’il s’agisse de ceux-ci. 

En mai 1993, une grande opération de restauration du site a eu lieu à l’initiative de la FAGEC et de Mlle Geneviève Moracchini-Mazel. Elle fut menée par des jeunes membres de l’Ecole des métiers de l’EDF de Saint Affrique et l’Association des Amis du château de Montaigut. L’ensemble des travaux est décrit dans le cahier Corsica n.158-159 de la FAGEC (Bastia 1993) consacré aux piévanies d’Ampugnani et d’Ostriconi. Cette parution est par ailleurs une mine d’informations sur le sanctuaire et son histoire.

A missione FAGEC in Santa Maria, di maghju di u 1993.


A fede, sculpita da i seculi

La piévanie d’Ampugnani porte le titre de S. Maria Natività. On ignore tout de ses deux autres cultes auxiliaires, sans doute S. Ghjuvanni Battista comme il est dusage dans une piévanie, et un saint martyr, probablement à l’origine des dévotions funéraires. 

On sait que jusqu’au 12ème siècle les piévanies conservèrent leur rôle de centre principal d’autorité à la fois civile et religieuse. Puis par la lente modification de l’habitat rural et la multiplication des lieux de cultes secondaires, elles perdirent lentement leurs fonctions au profit d’édifices plus proches des habitations.

Ainsi en 1646 d’après la visite pastorale de Mgr Marliani évêque de Mariana et Accia, la vieille piévanie d’Ampugnani n’assurait plus guère que les fonctions baptismales pour la petite communauté de a Casalta et u Pianu, et l’on y disait la messe uniquement lors des fêtes mobiles. Le Saint-Sacrement avait été transféré à l’oratoire a Nunziata où les célébrations dominicales étaient dites en alternance avec l’oratoire San Roccu à u Pianu. Sans doute de nombreux objets furent transférés d’un édifice vers les deux autres au cours du temps, comme notamment une statue en bois représentant Sainte Anne enseignant Marie, conservée à a Nunziata, ou un tableau de l’Annonciation, disparu aujourd’hui.

L’étude des registres paroissiaux nous apprend que c’est à partir de 1773 que a Nunziata, à l’origine petit oratoire situé au cœur du village, assura les fonctions de baptêmes, mariages et sépultures pour la double communauté, affirmant alors définitivement son statut d’église paroissiale.

On sait par ailleurs qu’en 1780, les fonds baptismaux de S. Maria étaient déjà transférés à l’église San Roccu à u Pianu et incorporés dans le premier autel à gauche dédié à S. Ghjuvanni Battista. La cloche de S. Maria, elle, était installée à a Nunziata in a Casalta. 


Paulu Casanova in Santa Maria.
Enfin au 20ème siècle, la communauté se rendait toujours en procession à S. Maria le 25 mars, jour de l’Annonciation de la Vierge, mais cette pratique cessa à partir de 1939, d’après le souvenir des plus anciens. 

Le curé y bénissait les branches de lierre cueillies la veille sur les murs par les jeunes gens du village, et chacun en prenait une pour la mettre dans sa maison. Le Coutumier de la paroisse da Casalta de 1905 nous donne une idée de cette cérémonie :


A huit heures, procession aux ruines de lEglise Sainte-Marie Nativité (Cathédrale de l’Évêché dAccia). Là, on chante le verset Angelus Domini ... Les assistants répondent Et concepit de Spiritu Sancto. Le célébrant chante lOremus du jour, ensuite il quitte létole blanche pour revêtir létole noire. Il chante le Libera me Domine avec tous les assistants. Il récite lOremus des fidèles trépassés et termine par un De Profundis ; il reprend ensuite létole blanche et on se dirige vers lEglise paroissiale en récitant des Cantiques à la Sainte Vierge. Une fois arrivés à l’Eglise, le célébrant chante l’oraison du jour qui est suivi d’une messe chantée. Après lÉvangile, sermon. Le soir à trois heures, vêpres suivi du salut au Très-Saint Sacrement. L’Annonciation est la fête titulaire de l’Eglise.   


A casa di u vescu ?

On sait que l’évêque d’Accia, petit diocèse créé en 1133 et composé des pieve de Rustinu et Ampugnani, n’était pas toujours présent sur place et confiait, selon la pratique habituelle, la charge du diocèse à un administrateur ou à son lieutenant et vicaire général qui, souvent mais pas toujours, étaient des insulaires. Il semble que la charge de vicaire général concernait plutôt les affaires spirituelles, celle de lieutenant les affaires temporelles. 

L’évêque avait le titre de piévan d’Ampugnani ou vesco de Ampugnani, selon différents éléments relatant la période 1464-1525. A partir de la réunion de l’évêché d’Accia à celui de Mariana en 1563, l’évêque du diocèse, résidant désormais à Bastia, conserva ce titre. Le prêtre amovible nommé par lui pour administrer en son nom la communauté de a Casalta et u Pianu avait le titre de vice-piévan. 


Selon la tradition orale, le même évêque Giustiniani qui au 17ème siècle fit rénover la piévanie tout en restaurant les ruines de la cathédrale d’Accia à u Quercitellu, ainsi que celles de sa propre cathédrale de Mariana à Lucciana, avait sa résidence d’été à a Casalta, dans une maison avec pressoir (u fragnu) située à Costa di fiori, sur une petite crête surplombant S. Maria, et dont les ruines sont toujours nommées aujourd’hui a casa di u vescu. Il s’agirait donc de l’ancien presbytère du piévan. La rénovation concerna également cette maison, ainsi que la construction de celle accolée à S. Maria et destinée à être la nouvelle maison du piévan. 


Pourtant d’après A. Franzini, Antonio Bonumbra, évêque d’Accia au 15ème siècle avait plutôt fixé sa résidence à a Pastureccia, mais sans doute se déplaçait-il de lieu en lieu, puisque nombreuses sont les maisons connues à travers les deux pieve pour être celle de l’évêque d’Accia.
Si l’évêque Giustiniani eut la volonté en 1660 de rénover, en même temps que la vieille piévanie, ces deux habitations à a Casalta, il est probable que ce fut pour y passer du temps lui-même, peut-être sur des courtes périodes. 

Ainsi serait confirmée la voix de la tradition orale qui bien souvent susurre à l’oreille le chemin menant à la vérité historique ...






Un grand merci à Jacques Fusella pour ses très précieux compléments d’information.  
 


Bibliographie :
- Cahier Corsica 158-159 - FAGEC 1993 - La piévanie d'Ampugnani.
- Cahier Corsica 215 - FAGEC 2004 - Evêques corses et ligures en Corse au Quattrocento - L'exemple du diocèse d'Accia. Antonie Franzini.
- Inventaire et Coutumier de la paroisse de Casalta - 1905 - Archives diocésaines.